Je ris des grands seigneurs, des statues arrogantes,
Qui gravent leur fierté dans les pierres pesantes.
Je préfère au canon le calembour joyeux,
À l’ombre du pouvoir, l’éclat d’un mot facétieux.

Disciple des esprits qui jouent avec la langue,
Desproges, Perec, Dac, dont l’ironie me tangue,
Je tords la lettre nue, je détourne le sens,
J’invite le lecteur à chercher le silence.

J’écris, je colle, je peins, je découpe et façonne,
De papiers ramassés, d’objets que l’on abandonne.
Le rebut quotidien devient alors trésor,
Un ticket, un caillou, me servent de décor.

Je prends l’objet banal qu’un passant laisse choir,
J’y grave un mot léger, un aphorisme noir.
Je sème des reflets, des pensées décalées,
Dans l’ordinaire usé que mes gestes ont scellé.

Mon art est subversif, il fuit la ligne droite,
Il déjoue les règles, il dénonce, il déboite.
Je trace des chemins qui s’inventent en zigzags,
Le mot s’y fait image, et la phrase te drague.

Je crois au pouvoir pur de la suggestion nue,
Au mystère qui brille entre deux lignes perdues.
L’illisible parfois éclaire plus qu’un cri,
L’absence, le fragment, font vibrer l’esprit.

La création surgit, soudaine, imprévisible,
Elle éclate au détour d’une bribe incessible.
Elle jaillit comme un souffle, un éclat incandescent,
Un besoin cathartique, un geste traversant.

L’art est tatoué en moi comme un sceau nécessaire,
Je le grave dans l’air, sur les murs, sur la terre.
Tout est prétexte, tout devient inspiration,
Ma vie se confond dans cette profusion.

Je proclame un art total, libre et sans frontière,
Qui déborde des cadres et traverse la pierre.
Un art qui rit, qui joue, qui résiste et qui mord,
Un art qui est ma vie, un art qui est mon corps.

Je tatoue l’univers d’aphorismes sauvages,

J’inscris l’art dans la chair, dans le temps, dans les âges.

Qu’on le lise ou l’oublie, qu’il s’efface ou s’éteigne,

Mon art n’a qu’un dessein : qu’il frappe et qu’il atteigne.